La moule zébrée, une menace constante

Des coquilles de moules zébrées couvrent le rivage d’une plage de l’Île Hecla.

Des coquilles de moules zébrées couvrent le rivage d’une plage de l’Île Hecla.

La moule zébrée est l’une des espèces envahissantes les plus répandues dans les voies d’eau du Canada.

Des navires de charge empruntant le réseau de la voie maritime du Saint-Laurent l’ont introduite en Amérique du Nord dans les années 1980. À la fin de cette décennie, on observait ces moules jusque dans les Grands Lacs.

Une couche de moules zébrées recouvre la paroi verticale en béton de la vanne d’évacuation de la centrale de Kettle.

Des moules recouvrant une vanne d’évacuation de la centrale de Kettle.

Agrandir l’image : Une couche de moules zébrées recouvre la paroi verticale en béton de la vanne d’évacuation de la centrale de Kettle.

Chaque moule zébrée femelle peut pondre plus d’un million d’œufs par année. La progéniture microscopique, appelée larve véligère, ne mesure qu’un dixième de millimètre et peut se déplacer beaucoup dans les voies d’eau durant son premier stade de développement. Les moules adultes peuvent adhérer au fond des lacs et à pratiquement toutes les surfaces dans de l’eau brute.

En 2013, les moules ont été observées dans le lac Winnipeg; en 2019, elles se sont déplacées dans le fleuve Nelson, un débit sortant du lac Winnipeg.

« Les invasions de moules zébrées ont des répercussions écologiques et économiques considérables qui ont été régulièrement constatées partout en Amérique du Nord », a déclaré Mat Bannerman, spécialiste de l’environnement chez Manitoba Hydro.

Avant la propagation des moules ici, le Manitoba a pu observer rétrospectivement les effets de la présence de moules en Ontario ainsi que leurs conséquences sur les activités hydroélectriques de cette province. On espérait au départ que les températures froides de l’eau et la saison de croissance courte caractéristiques du climat nordique du Manitoba atténueraient la prolifération et la densité des moules zébrées, mais cela n’a pas été le cas.

Une pièce de 25 cents, une pièce de 10 cents et une pièce de 5 cents canadiennes mises à côté de coquilles de moules zébrées pour montrer leur taille.

Des moules zébrées comparées à des pièces de monnaie.

Agrandir l’image : Une pièce de 25 cents, une pièce de 10 cents et une pièce de 5 cents canadiennes mises à côté de coquilles de moules zébrées pour montrer leur taille.

« Nous surveillons la présence de moules zébrées depuis de nombreuses années, explique M. Bannerman. Mais une fois qu’elles ont été découvertes dans le lac Winnipeg, nous avons vraiment intensifié la surveillance dans le nord du Manitoba, étant donné que le fleuve Nelson allait lui aussi être fortement touché. Depuis, nous avons observé des moules à la centrale hydroélectrique de Jenpeg en 2018. En 2019, nous en avons trouvé jusque dans les réservoirs de Limestone. »

Dans son rôle au sein de Generation Environmental Services, M. Bannerman se soucie principalement de la croissance des moules à l’intérieur de nos ressources en eau de refroidissement et de nos systèmes de protection contre les incendies, en particulier dans les installations hydroélectriques. Il suit également la fixation des moules zébrées à l’intérieur des postes de conversion dans le Nord.

« Depuis 2021, nous constatons que des moules se fixent à l’intérieur de nos installations, explique M. Bannerman. Les moules prolifèrent dans tout ce qui se situe dans l’eau brute d’un plan d’eau contaminé. Notre plus grand risque : que les moules adhèrent à l’intérieur des tuyaux et obstruent les systèmes d’eau froide. Lorsque des générateurs produisent beaucoup de chaleur, il faut une circulation d’eau froide pour assurer le refroidissement. »

Le suivi des moules zébrées

Pour assurer le suivi des populations de moules zébrées dans nos installations, M. Bannerman a doté nos centrales hydroélectriques et nos postes de conversion de boîtes d’observation.

« Les moules zébrées circulent dans ces boîtes de la même manière que dans nos installations, explique-t-il. Dans l’ensemble de la province, nous comptons près de 50 boîtes de ce type qui fonctionnent tout au long de l’année. »

Les moules zébrées s’attachent aux plaques de substrat dans les boîtes et nos chimistes détachent les moules en les grattant pour obtenir une mesure de la densité. Cette mesure nous permet de savoir combien de moules grandissent dans chacune des centrales.

« Les boîtes d’observation, c’est un peu comme le canari dans la mine de charbon : elles nous indiquent quand un traitement au chlore est nécessaire, a déclaré M. Bannerman. Nous avons la chance de travailler avec le laboratoire de Selkirk et de disposer d’un excellent programme de surveillance. Le suivi de ce mollusque nécessite un véritable effort d’équipe. »

Une boîte métallique contenant des plaques en métal à moitié immergées dans de l’eau brute. Plusieurs moules zébrées sont attachées à la surface de toutes ces plaques.

Gros plan sur une boîte d’observation.

Agrandir l’image : Une boîte métallique contenant des plaques en métal à moitié immergées dans de l’eau brute. Plusieurs moules zébrées sont attachées à la surface de toutes ces plaques.

Le traitement au chlore

Lorsque le nombre de boîtes d’observation est trop important, nous neutralisons plutôt les moules zébrées en traitant les installations hydroélectriques avec des quantités résiduelles de chlore. Le traitement au chlore est la méthode la plus efficace de contrôle de la croissance de moules zébrées adultes et est d’usage courant dans d’autres centrales hydroélectriques en Amérique du Nord.

« Nous injectons une dose infime de chlore dans notre conduite d’eau de refroidissement lorsque l’eau pénètre dans la centrale, a indiqué M. Bannerman. La concentration est semblable à celle que l’on retrouve dans l’eau potable, soit environ 0,6 partie par million. »

Il faut environ deux semaines de traitement avant que toutes les moules zébrées à l’intérieur de l’installation soient éliminées. L’eau chlorée est neutralisée avant son rejet dans le réseau hydrographique.

« Nous ne rejetons pas l’eau chlorée directement dans la rivière, nous la neutralisons d’abord avec du bisulfite de sodium, explique M. Bannerman. Il ne s’agit pas d’une mesure réglementaire, mais d’une démarche que nous voulions entreprendre pour éviter l’aggravation des conséquences sur les voies d’eau. »

Six installations hydroélectriques ont été traitées au chlore au cours des deux derniers étés. Ce nombre passera à sept en 2023, notre troisième année de traitement au chlore.

« Si nous n’avions pas éliminé une partie de la population de moules, nous rencontrerions des problèmes de fiabilité, a affirmé M. Bannerman. Des changements de pressions différentielles provoqueraient alors des surchauffes. »

M. Bannerman fait remarquer que malgré les traitements, qui préservent la fiabilité, des moules zébrées commencent à proliférer sur nos structures civiles, telles que les vannes, les rainures, les prises d’eau, les grilles à barreaux et les batardeaux.

« Les moules peuvent proliférer de trois à quatre pouces sur certaines de ces structures, a déclaré M. Bannerman. On commence alors à constater des problèmes de poids : les moules zébrées alourdissent l’équipement conçu pour soulever des charges. Ces mollusques peuvent entraîner de nombreuses complications imprévues. »

La réduction de la présence de moules sur nos embarcations

Au cours de la dernière décennie, le Manitoba a tenté de limiter la propagation des moules zébrées dans son réseau de lacs et de voies d’eau. La province a établi des zones réglementées et exigé que tout type de bateau, que ce soit pour une utilisation commerciale ou privée, soit décontaminé et traité contre les larves véligères de moules zébrées lorsqu’ils naviguent d’une zone réglementée à une autre.

Manitoba Hydro a contribué à cet effort de surveillance en faisant l’acquisition de dispositifs de décontamination, appelés LANDA, que la province peut utiliser pour ces embarcations.

Une remorque en métal noir dotée d’une chambre en plastique jaune servant à contenir le liquide de décontamination ainsi que de plusieurs pulvérisateurs à haute pression.

Un dispositif de décontamination LANDA.

Agrandir l’image : Une remorque en métal noir dotée d’une chambre en plastique jaune servant à contenir le liquide de décontamination ainsi que de plusieurs pulvérisateurs à haute pression.

« Il semble impossible d’éradiquer complètement les moules zébrées, nous devons nous y adapter, explique Greg Szocs, coordinateur de la sécurité chez Manitoba Hydro. Comme nous sortons nos bateaux de l’eau tous les jours, nous avons mis en place une série de mesures qui nous permettent d’atténuer en amont les risques de propagation ».

Au Manitoba, la moule zébrée a continué de se propager, mais le nombre de zones réglementées a réduit. Par exemple, la rivière Rouge, le lac Winnipeg et le fleuve Nelson, autrefois dans des zones distinctes, ont été regroupés.

« Bien que la propagation de la moule zébrée soit préoccupante, le regroupement de zones facilite grandement nos activités, a déclaré M. Szocs. Auparavant, il était impossible de naviguer d’une partie d’une zone réglementée à une autre sans procéder à une décontamination. »

Manitoba Hydro possède actuellement trois dispositifs de décontamination LANDA. Dans le cadre de nos procédures, nous nous efforçons de laisser les bateaux dans les mêmes voies d’eau.

« Nous assignons des bateaux à certaines voies d’eau. Ils y restent, à moins qu’on doive les envoyer à Thompson pour un entretien », a indiqué M. Szocs.

Le cas échéant, on les inspecte et les décontamine avant de les réparer. Si l’atelier de réparation procède ensuite à des tests, nous sommes assurés qu’il n’y aura aucune propagation d’espèces aquatiques envahissantes.

« Le processus de décontamination nécessite l’utilisation d’eau à haute pression à 60 degrés Celsius, a expliqué M. Szocs. On élimine ainsi du bateau tous ces passagers clandestins en les brûlant. »

M. Szocs attire l’attention des plaisanciers sur le Règlement sur les espèces aquatiques envahissantes et les stratégies visant à enrayer leur propagation.

« Je pense que le message à adresser aux plaisanciers est de faire preuve de grande prudence… Une fois que ces espèces sont installées, il n’y a vraiment aucun moyen de s’en débarrasser. »

Les répercussions à long terme

Les répercussions à long terme de la présence des moules zébrées dans les voies d’eau du Manitoba continuent de se faire sentir. Les moules planctophages, capables de filtrer un litre d’eau par jour, déciment le bas de la chaîne trophique d’eau douce.

Les employés du lac Winnipeg et du fleuve Nelson constatent une amélioration de la clarté de l’eau.

« Imaginez des millions de petits reins qui filtrent l’eau : beaucoup d’autres espèces aquatiques dépendent de ce que consomment les moules zébrées, a affirmé M. Bannerman. Alors que l’eau du lac Winnipeg et du fleuve Nelson était autrefois boueuse et marron, des employés nous signalent aujourd’hui qu’ils peuvent voir jusqu’à plusieurs mètres dans la colonne d’eau. On peut penser qu’il s’agit d’une bonne chose, mais ce n’est pas le cas. On assiste ici au début de l’effondrement de l’écosystème. »

En matière de gestion des populations à grande échelle, la propagation soutenue des moules zébrées deviendra peut-être leur propre régulateur.

« Les populations atteindront un point où les systèmes aquatiques ne pourront plus les contenir. Nous assisterons alors à un effondrement, a déclaré M. Bannerman. À ce stade, il ne reste plus qu’à espérer que les moules zébrées prolifèrent au point de ne plus pouvoir se nourrir. »


Pour en savoir plus sur la façon dont nous redonnons à la communauté, consultez notre Rapport sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance.