Cet article a été publié en mai 2021 et peut contenir des informations obsolètes.
Elle « représentait tout ce que devait être une charmante demeure ».
Le 4 avril 1922, le Winnipeg Evening Tribune publiait, à la page 6 du journal, un bref article intitulé « To Heat Houses By Electricity » (le chauffage des maisons à l’électricité) qui semblait presque sans importance à l’époque.
L’article portait sur Francis William Cumming, et ce que l’on considère maintenant comme sa petite contribution à l’intégration de l’électricité dans nos vies quotidiennes.
Il y a un siècle, Winnipeg était fière d’offrir les tarifs d’électricité les plus bas au Canada, soit trois cents le kilowatt heure. Aujourd’hui, nous avons toujours les tarifs les plus bas au Canada, soit 8,9 cents. Pourquoi? À cause de l’hydroélectricité. Et Cumming a vu cela.
En 1922, Cumming et d’autres personnes ont anticipé l’avenir d’une électricité abondante et abordable. Ils ont vu ce qu’elle représentait pour la croissance et la prospérité de Winnipeg et la façon dont elle faciliterait la vie de ses citoyens et de ses entreprises.
Cumming travaillait à temps plein comme comptable dans le domaine du commerce des grains de Winnipeg, mais en cette journée printanière de l’année 1922, il a fait quelque chose sans précédent à Winnipeg.
Au nom de l’Electrical Home Construction Company, Cumming s’est procuré un permis au coût de 7 500 $ pour construire la première maison « tout électrique » de Winnipeg, du côté ouest de la rue Niagara, entre Wellington Crescent et Academy Road. La valeur même du permis de construction indiquait que ce ne serait pas une maison ordinaire — 7 500 $ équivaut à environ 117 500 $ aujourd’hui.
Cumming, qui était secrétaire trésorier de la Western Terminal Elevator Company (maintenant la société Richardson Pioneer), a dit au Winnipeg Evening Tribune que la maison serait la première d’une série d’environ 30 maisons que prévoyait construire l’Electrical Home Construction Company dans River Heights. Ces maisons seraient chauffées à l’électricité, qui était alors fournie par les centrales électriques sur la rivière Winnipeg.
La société de construction Brown & Matthews devait construire la maison au 129, rue Niagara et en être le propriétaire. Celle ci devait être « une maison moderne bien planifiée, bien construite, bien meublée et munie d’une installation électrique complète », comme l’écrivait l’Evening Tribune dans un autre article.
Cumming pouvait observer tous les jours la construction de la maison, car il vivait tout près, au 114, rue Niagara.
Il faut prendre ici un certain recul. Il y a cent ans, avoir de l’électricité à la maison était une nouveauté, mais les choses évoluaient rapidement à cause de personnes comme Cumming. Les défenseurs de l’électricité disaient que l’hydroélectricité à bas prix propulserait Winnipeg dans une nouvelle ère de prospérité après la Seconde Guerre mondiale – elle laissait présager plus d’affaires, plus de gens et plus de croissance.
Appelée la « ville électrique » par Winnipeg Hydro, la ville en croissance rapide offrait aussi les tarifs d’électricité les plus bas au Canada – l’éclairage artificiel coûtant trois cents le kilowatt heure.
Pour réaliser cette croissance, la centrale de Pointe-du-Bois de Winnipeg Hydro avait commencé à fournir de l’électricité à ses citoyens. L’entreprise de service public en était au premier stade de planification de la centrale de Slave Falls. Pendant ce temps, la Winnipeg Electric Railway Company (WERCo) – qui assurait le service des tramways de la ville — exploitait depuis plusieurs années sa centrale de Pinawa et était en train de construire la centrale de Great Falls.
« Si Winnipeg a connu la prospérité dans le passé, il n’est pas nécessaire d’être prophète pour prédire l’ère de prospérité qui l’attend à court terme », claironnait Winnipeg Hydro dans une annonce de journal d’une page entière parue en octobre 1922. « Winnipeg DOIT aller de l’avant ».
La maison du 129, rue Niagara était le symbole d’un avenir prometteur pour Winnipeg et témoignait de la commodité de l’hydroélectricité à prix abordable. L’Evening Tribune ne donnait pas beaucoup d’autres renseignements sur la maison en 1922, mis à part qu’elle serait construite en bois (charpente) et en stuc sur une fondation en pierre de 24 pi sur 34 pi (816 pi2), avec un toit de bardeaux à double pente.
Il faudra attendre au 1er juin 1923 avant que l’Evening Tribune ne mentionne de nouveau la maison, cette fois ci en première page sous le titre « Pays $214 Bill For Wired Heat » (une facture de chauffage électrique de 214 $).
Le bref article disait que le chauffage électrique de la maison avait coûté 214,15 $ à Cumming, le détenteur du permis, pour la période du 22 septembre 1922 au 21 mars 1923. (214 $ en 1922 équivaut à 3 300 $ aujourd’hui).
« Au cours de cette période, il a consommé 29 500 kilowatts heure, la charge étant de dix kilowatts pour la première partie de l’hiver, et de 12 kilowatts pour la deuxième partie », précise l’Evening Tribune.
Il y avait plusieurs autres nouvelles maisons de Winnipeg qui étaient également chauffées à l’électricité cette année là : trois maisons situées dans le secteur 200 de la rue Waterloo, dans Rivers Heights, et une maison sur l’avenue St. John’s, à l’extrémité nord de la ville.
Mais c’était la première maison « tout électrique » de la ville, celle qui se trouvait au 129, rue Niagara, qui était mise en valeur pour les Winnipegois.
Les passagers des tramways étaient encouragés à visiter la maison modèle et à découvrir eux mêmes les merveilles de l’électricité du 18 août au 1er septembre 1923; et étaient accueillis par des « hôtes courtois ».
« C’est une exposition didactique conçue pour informer les gens de Winnipeg sur les divers avantages et commodités que seulement une installation et des appareils électriques adéquats peuvent offrir », indiquait un article du bulletin Public Service News de la Winnipeg Electric Railway Company, distribué gratuitement dans les tramways.
« Cette maison est la représentation parfaite de tout ce que devrait être une charmante demeure. Elle a été munie d’une installation électrique, meublée et équipée d’appareils électriques pour résoudre les problèmes de domestique et offrir de nombreuses commodités que la majorité des gens ne connaissent pas », ajoutait on. « C’est une démonstration concrète de l’utilisation de l’électricité pour le service, les tâches ménagères et l’entretien ménager. »
L’Evening Tribune mentionne une autre fois la maison située sur la rue Niagara. Le 23 août 1923, le journal indiquait que, depuis le début des journées d’accueil, en moyenne 1 700 personnes par jour avaient visité la maison. La Manitoba Electrical Association a d’ailleurs vivement conseillé aux gens de visiter la maison en fin d’après midi pour éviter la foule du soir.
Par la suite, il est peu fait mention de la maison située au 129, rue Niagara. Joseph T. Thorson, un avocat de Winnipeg, qui est inscrit comme propriétaire dans le Henderson’s Directory de 1924, a été le premier propriétaire et résident de longue durée de la maison. Thorson a été député libéral des circonscriptions du Centre Sud de Winnipeg (1926–1930) et de Selkirk (1935–1942). De 1941 à 1942, il a été ministre des Services nationaux de guerre au sein du cabinet de William Lyon Mackenzie King. En 1942, il est devenu président de la Cour de l’Échiquier du Canada. Il est décédé à Ottawa en 1978, à l’âge de 89 ans.
La maison du 129, rue Niagara appartient maintenant à l’ingénieur civil David Haines, qui y a emménagé il y a environ un an. Un des propriétaires antérieurs l’a convertie au chauffage au gaz naturel.
M. Haines a fait remarquer qu’il ne connaissait pas l’histoire de sa maison – jusqu’à maintenant.
« Je suis très heureux d’apprendre l’histoire de ma maison et du rôle qu’elle a joué dans l’histoire de la ville », a t il indiqué. « Elle a conservé en grande partie son caractère original. »
Et Cumming? Le membre de la Bourse des marchandises de Winnipeg est décédé à sa maison le 6 décembre 1931, à l’âge de 69 ans, et a été enterré au cimetière d’Elmwood.
La maison située au 114, rue Niagara, appartient maintenant à Scott Leckie, qui l’a achetée en 1993.
Selon Leckie, la fondation en pierre de la maison originale avait été grandement endommagée au fil des ans par un gros orme se trouvant dans la cour d’entrée (maintenant enlevé parce qu’il était atteint de la maladie hollandaise de l’orme). Elle était tellement endommagée que la porte de devant ne fermait plus correctement.
Leckie a indiqué qu’il avait envisagé la possibilité de remplacer la fondation originale de la maison par de nouvelles semelles de répartition des charges, mais le coût était élevé.
Il a ajouté que la famille a finalement décidé de démolir la maison et de bâtir une maison écoénergétique moderne en 2019, qui ressemble beaucoup à la maison que Cumming a construite plus loin dans la rue en 1922.